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Le blog de Cynister

26 avril 2010

Les oubliés de la Falaise.

J'ai écrit cette courte nouvelle en m'inspirant d'un rêve-cauchemar que j'avais fait il y a quelques temps déjà, durant mes années fac. Son ambiance était excessivement oppressante, bien que je le considère la première partie comme relevant plus du rêve que du cauchemar. En effet, la sensation de panique que j'ai ressentie n'est arrivée que dans la toute dernière partie du songe, et elle n'a duré qu'un instant, ce après quoi le rêve s'est curieusement fini par une sensation de paix, juste avant que je ne m'éveille.
Je l'ai écrit quasiment d'une traite, en un long après-midi. Il n'y a que pour écrire la fin que j'ai préféré attendre la nuit, et par conséquent j'ai attendu le lendemain soir avant de la terminer.
Il se peut que cette nouvelle ne soit pas exempte de fautes, aussi je vous encourage à me les signaler, le cas échéant. Je vous souhaite une bonne lecture.


Et autour, le néant...

Ou les oubliés de la Falaise.

 

 

Nous sommes les survivants. Survivants à quoi ? Nous l'ignorons. Nous avons échappé à ce qui a ravagé la Terre, et c'est bien la seule chose qui ait une quelconque importance. Cela, et la Préservation.

La Préservation de la vie terrestre, voilà ce qu'est désormais le but de notre ancienne race dominante. Peu de choses ont échappé au Cataclysme. Cela fait des générations que c'est arrivé, murmurent les plus vieux d'entre nous. Qu'est-ce qui a anéanti la Terre ? De quelle nature est ce Cataclysme qui nous a donné pour seul horizon une plaine infinie, désertique et désolée ? Nous avons appris très tôt à ne pas vouloir connaître les réponses à ces questions. Puis, nous avons appris à oublier ces mêmes questions. Pour notre survie. Pour notre raison. Pour notre propre Préservation.

Ce que nous savons, c'est que nous sommes désormais les habitants, les gardiens de la Falaise ocre. La Falaise ocre, immense langue de roche monolithique dans laquelle nous avons creusé nos galeries. La Falaise ocre, peut-être le dernier bastion où se terrent les survivants. La Falaise ocre, qui se dresse fièrement pour nous protéger de Nulle-part, de la Plaine. Nous sommes des habitants sans habitat. Des gardiens qui n'ont qu'eux-mêmes à garder.

Au bas de l'à-pic de la Falaise se trouve ce qui reste de l'ancien monde. La Plaine : un désert infini de terre plate et craquelée, desséchée par un immense soleil rouge à la lumière éternellement crépusculaire. La Plaine, habitée seulement par le souvenir périssable de ceux qui y sont morts. Un lieu tellement hostile que même la vermine n'y survit pas. Les corps ne s'y décomposent pas, ils y sèchent et se statufient à l'ombre des rares arbres brûlés qui se dressent encore çà et là. La calcification de toute vie.

De jour, la chaleur est tellement insoutenable dans la Plaine que ceux qui s'y aventurent ont, en quelques instants, la peau qui se couvre de cloques. De nuit, il y règne un froid glacial qui assèche les yeux, la bouche, les sinus, et nécrose la peau au bout de quelques pas. Nous passons la journée dans l'obscurité de nos galeries. La nuit, nous sommes serrés dans ces mêmes galeries, auprès d'un minuscule feu, que nous allumons avec du bois mort.

 

***

 

Les tâches qui rythment notre quotidien sont toutes liées à la Préservation. Notre existence est dure et brève, et la moindre inattention peut-être fatale.

Nous puisons l'eau dans un réseau de cavernes profondes que nous pouvons atteindre par les galeries de la Falaise ocre. Toutefois, ses nombreuses ramifications s'étendent bien au-delà, sous la Plaine elle-même. Tous ceux qui, il y a des générations, ont tenté d'en explorer les profondeurs n'en sont jamais revenus. Disparus à jamais, noyés ou perdus dans des ténèbres inconnues et inexplorables. Désormais, il est interdit de s'y aventurer.

Nous nous nourrissons principalement de champignons, que nous avons appris à cultiver et entretenir en les fertilisant avec nos morts. C'est pourquoi la Préservation nous impose de ramener les corps, ou d'empêcher tout décès d'intervenir ailleurs que dans la Falaise ocre. Nous nous occupons également des populations de rongeurs et d'insectes, dont nous tuons quelques individus pour les manger et pour récupérer leur peau. Nous devons toutefois faire attention à les maintenir en nombre suffisant, afin qu'ils se reproduisent,  car ce sont les seuls animaux vivants que nous ayons jamais vus. Toute gourmandise est proscrite : elle pourrait équivaloir à la fin de nos ressources, voire l'extinction de la totalité des rares espèces qui vivent en symbiose ici.

Entre deux températures extrêmes, au crépuscule ou à l'aube, les plus forts d'entre nous s'aventurent dans la Plaine pour aller chercher le bois qui nous réchauffe la nuit. Ils sont obligés d'aller toujours plus loin car il y a de moins en moins d'arbres. Parfois, lorsque la nuit tombe trop vite ou que les rayons du soleil cuisent la peau, nous avons juste le temps de ramener de ces buissons secs, seul végétal suffisamment discret et coriace pour réussir à survivre au Cataclysme. Cela nous fait craindre pour l'avenir de nos petits. Seront-ils un jour obligés d'aménager les galeries souterraines pour survivre, et ressembler un peu plus aux rongeurs que nous dévorons ?

Nous sommes tous devenus difformes à notre façon. Les plus vieux disent que nous sommes devenus de plus en plus nombreux, mais aussi de plus en plus petits, par manque de ressources. Les femelles les plus en formes sont appelées reproductrices, et sont jalousement gardées à l'abri des galeries ombragées. Elles sont devenues semblables à des spectres aveugles à force d'être protégées de la lumière qui brûle notre monde. Les mâles et femelles faibles fertilisent les champignons ou nourrissent les insectes. Les mâles qui ont survécu le plus longtemps, les plus forts, ceux qui auront descendance, ont un corps qui s'est adapté au fil des sorties au climat de la Plaine, au point que leur peau est désormais une carapace dure recouvrant une épaisse couche de graisse, qui protège elle-même une musculature strictement adaptée aux tâches quotidiennes. Mais notre organisme ne nous garde jamais en vie bien longtemps.

Nous mourons rapidement, à un rythme qui ne cesse d'accélérer prétendent ceux qui ont pu atteindre la vieillesse. La plupart du temps, les plus grands d'entre nous, plus sensibles au manque de ressources, sont emportés par la soif ou la maladie. Lorsqu'ils deviennent trop vieux et moins utiles, les autres, ceux qui ont été les plus résistants, se laissent mourir de faiblesse et de faim pour entretenir la Préservation. Nos dépouilles et ossements tendent de plus en plus à s'éloigner de ceux de nos ancêtres, et à ressembler aux corps de certains animaux morts dans la Plaine durant le Cataclysme. Ou durant les générations qui ont suivi.

Notre conscience d'avoir été jadis l'espèce dominante s'estompe de génération en génération. Nous avons progressivement perdu l'écrit, et notre vocabulaire s'est quasiment réduit à des termes strictement utilitaires. La seule richesse de notre langage se limite désormais à l'expression des différents degrés de la faim ou de la soif, de la chaleur ou du froid. A différentes manières de souffrir et mourir. Aux interdits. Au culte de la Préservation. Les seules fausses réalités, les histoires non-utiles que nous connaissons sont les légendes orales déformées par le temps et les bouches de nos ancêtres.

 

***

 

Plusieurs fausses réalités intéressaient les plus jeunes dans le passé. Ils étaient plus enclins à s'intéresser à l'au-delà de la Plaine. Nous savons qu'autrefois, d'autres lieux de survie subsistaient, que la Falaise ocre n'était pas le seul endroit qui abritât des survivants. La Plaine elle-même semblait mener son dernier combat contre l'horizon. La vie mourait déjà de toute part, mais la Préservation n'était pas devenue la seule finalité.

Les générations précédentes avaient la sensation que tout avait changé brutalement. Tout n'avait pas toujours été comme ça. Ceux de notre race qui avaient assisté au Cataclysme étaient déjà morts depuis des générations, aussi subsistait la grande ennemie de la Préservation, l'interrogation.

L'interrogation sur ce qui allait au delà de l'horizon, de la vue.

L'interrogation sur « combien », combien de survivants, combien de temps cela va-t-il durer ? Toujours. Combien de temps cela a-t-il déjà duré ? Un long temps. Combien de cadavres momifiés, statufiés, combien de squelettes sur le chemin qui menait à la Falaise ocre ? Innombrables.

L'interrogation sur « jusqu'où », jusqu'où tout avait-il été détruit, changé ? Les confins du monde. Jusqu'où pouvait-on marcher dans la Plaine ? Jusqu'où s'étendait-elle ? Partout.

L'interrogation sur le « pourquoi », pourquoi seulement la Plaine, pourquoi tout était-il si difficile désormais ? Le Cataclysme.

Devant toutes ces réponses absolues, les questions mêmes perdaient leur sens.

Tous ces mots, ces notions, ces concepts... nous les avons effacés de notre mémoire pour ne pas que nous ne mettions nous-mêmes fin à notre existence.

 

***

Une interrogation a toutefois longtemps survécu : « comment » ? Comment survivre sans savoir comment était survenu ce grand changement, ce Cataclysme qui nous obligeait à revenir aux fondements de la vie, la « Préservation » ?

Durant les premières générations après le Cataclysme, les rares survivants qui passaient par la Falaise ocre n'y arrêtaient pas systématiquement leur errance et repartaient parfois à la recherche de réponses, avant que la Plaine ne soit définitivement perçue comme un Nulle-part infini réfractaire à toute vie. Ces survivants racontaient des « histoires » terrifiantes sur le « comment ». Ils prétendaient que le monde avait touché à sa fin, que la Préservation était illusoire puisque l'endroit dont nous étions autrefois les maîtres, la Terre allait bientôt ressembler à un monde lointain, situé haut dans le ciel. Ils appelaient ce lointain endroit Mars.

Ils disaient que Mars avait autrefois abrité la vie, mais que cette dernière avait été totalement anéantie, comme allait l'être celle de la Terre. Ils prétendaient que même les œuvres et les réalisations de nos ancêtres seraient annihilées. Lorsqu'on leur demandait comment, ils répondaient des choses incohérentes, mais toutes avaient en commun un évènement qui s'était passé dans le ciel,  et qui impliquait une découverte extraordinaire en rapport avec le soleil. Après cela, l'astre s'était vengé en brûlant la Terre et en nous envoyant le Cataclysme, quelque chose d'inconcevable qui dépassait toutes les sciences de jadis et qui fit sombrer la plupart de nos ancêtres dans une terreur telle qu'elle provoqua une démence globale et la chute de la civilisation. La fin de l'Histoire.

Mais nous ne pouvions pas accorder d'importance à ces fausses réalités, qui avaient peut-être été vraies bien des générations auparavant, mais qui n'amélioraient pas les choses présentes. La nécessité de vivre avait progressivement tué le désir de savoir. La Préservation s'était doucement imposée.

 

***

 

Nul ne sait pourquoi ni comment Cela arriva finalement jusqu'à nous après tant de temps. Nous ne pouvons pas même nous souvenir clairement maintenant, car le souvenir de l'existence laisse lentement place au néant. Nous sommes tous morts maintenant. La Falaise ocre s'est effondrée, et fait désormais partie de la Plaine.

Tout est arrivé durant une nuit. Une rumeur lointaine s'est muée en un rugissement, un hurlement si puissant qu'il faisait trembler l'horizon. La Plaine elle-même paraissait s'affaisser et s'effondrer de terreur devant une entité grotesque et démesurée. Un démon titanesque, venu du fin fond d'un autre univers, aux lois et aux dimensions inconnues, apparaissait au seuil de notre vision. Comment une entité si prodigieusement immense, faisant autant abstraction de la nature et de la cohérence même de notre univers pouvait-elle exister ici ? Forme abstraite de pures ténèbres, qui recouvrait peu à peu l'horizon puis le ciel lui-même, et de laquelle jaillissaient des milliards de bouches de néant, dévorant toute chose dans la Plaine, n'épargnant aucune vie, avalant le moindre vestige ayant pu témoigner de l'existence de la vie sur Terre.

 

***

 

Nos prédécesseurs avaient raison. En l'espace d'un court instant, alors que nous sommes avalés par l'entité ultime, nous pouvons entrevoir la vraie nature du Cataclysme. Maintenant que notre existence s'achève, nous comprenons que les Dieux des ténèbres sont tapis au delà des seuils qui mènent aux univers extérieurs, au cœur des étoiles. Cerbères cosmiques, ils veillent à l'inviolabilité des lois physique d'univers prisons. Dans le vide ultime, ils se contorsionnent d'impatience à l'idée d'anéantir les races inférieures qui vont à l'encontre des règles que leur engeance maudite a imposées à la Création. Ils gardent jalousement les portes de leur royaume : un univers peuplé d'entités abjectes et vaniteuses qui, ayant percé l'ultime secret, refusent de le partager sans avoir su donner un sens à leur propre existence.

Nous disparaissons à jamais dans le néant, discrètement... et paisiblement.


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26 avril 2010

Inauguration du blog

Bienvenue à toi, vagabond virtuel. Si tu t'es retrouvé sur ce blog à la suite d'une errance sur la toile tu dois savoir ce que tu trouveras ici : des fictions que j'ai écrites. Qu'il s'agisse de rêves, de fantasmes, ou de simples idées que j'avais envie de développer dans une forme plus longue, ou de résumer en quelques mots, tout n'est ici que fiction. Il y aura probablement dans mes textes de la violence à tous les niveaux, voire de l'ultra-violence, ainsi que de la vulgarité, du mauvais goût, de l'indécence, du sexe, du racisme, de l'immoralité, de l'irrespect, du blasphème, et j'en passe... Aucune incitation à quoi que ce soit, seulement des fictions.
Ce blog n'est ici que pour publier quelques histoires courtes, et peut-être un jour des histoires longues découpées en épisodes. Je me réserve le droit de supprimer certaines entrées si jamais il me prenait l'envie de tenter de les faire publier. Évidemment, tout ce que j'y écris est ma propriété.

Te voilà prévenu. Si tu as décidé consciemment de le visiter ou d'y revenir, alors tu sais à quoi t'attendre.

Je n'ai pas à encombrer ce blog de vaines considérations sur ma vie ou la vie en général, je n'en ai pas envie. De plus, je préfère que les gens qui lisent ce que j'écris n'aient pas connaissance de ma vie, de manière à ce qu'ils posent un œil neutre sur ce que je fais. J'encourage vivement les commentaires, et j'accueillerai avec joie les critiques qui seront faites à mes textes.
Ce n'est pas parce que j'ai décidé de faire une présentation austère que je vais dévorer le premier commentateur venu !

Je n'ai rien de plus à ajouter sur la création de ce blog. Place aux textes.

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